Présentation générale

Le Réseau Fernand-Dumont est une initiative commune du Cégep Garneau, du Cégep de Sainte-Foy et de l’Université Laval. Il constitue un lieu d’échanges et de formation qui propose différentes modalités de travail pour développer les compétences langagières des étudiants : des conférences-midis, des tables rondes, un portail Internet présentant des outils d’enseignement éprouvés, autant de façons pour les professeurs et les chargés de cours de mettre en commun leurs initiatives et de préciser des intuitions quant au développement de la compétence langagière à travers l’apprentissage de la sociologie, de la psychologie, de l’histoire, de la philosophie, etc. La devise du Réseau Fernand-Dumont : « Lire et écrire pour apprendre et comprendre en sciences humaines » traduit bien cette volonté de faire de la compétence langagière une composante clé des cours de sciences humaines, en ce sens où elle participe à tous les apprentissages, autant à travers les activés de lecture que d’écriture.

 

Pourquoi associer le nom de Fernand Dumont à ce réseau?

Fernand-Dumont est l’un des plus grands essayistes que le Québec ait connus. Il a su dans toute son œuvre développer une remarquable culture de la langue qui lui a permis d’écrire avec élégance et précision aussi bien des textes philosophiques, poétiques, autobiographiques que théoriques. C’est pour rendre hommage à ce grand professeur de l’Université Laval et à toute l’énergie qu’il a déployée pour renforcer la culture de la langue au Québec que nous avons choisi de nous identifier à Fernand Dumont pour renforcer le sens de nos actions.


Qu’est-ce que le Réseau Fernand-Dumont?

Dans le cadre du « Chantier d’arrimage en sciences humaines » auquel ont participé, depuis 2006, 28 collèges ou cégeps et 40 programmes de l’Université Laval, des professeurs de sciences humaines ont unanimement désigné comme l’une de leurs principales difficultés les lacunes observées chez les étudiants en ce qui regarde la maitrise de la langue. Ils s’en inquiétaient d’autant plus qu’ils ne se sentaient pas bien outillés pour venir en aide à leurs étudiants à cet égard.

 

La mise sur pied du Réseau Fernand-Dumont par le Cégep Garneau, le Cégep de Sainte-Foy et l’Université Laval s’inscrit dans la foulée de cette initiative conjointe et les personnes qui s’y sont engagées se sont donné comme orientation principale l’aide aux enseignants dans le renforcement de la compétence langagière des étudiants – dans les cours de sciences humaines dans un premier temps, mais ultimement dans toutes les disciplines. Ils se sont aussi entendus sur l’importance de voir la formation des étudiants comme un processus s’étalant sur cinq ans, soit du collège à l’université, ce qui permet d’envisager sur une longue période l’acquisition d’habiletés supérieures propres à soutenir le développement de la pensée.

 

Précisons d’entrée de jeu que les activités du Réseau Fernand-Dumont ne visent pas exclusivement la réduction du nombre d’erreurs d’orthographe commises par les étudiants. Nous considérons le langage dans des usages beaucoup plus étendus, en écriture, en lecture, en communication orale, des pratiques langagières sollicitant certes des connaissances linguistiques, mais aussi et surtout la capacité à comprendre les enjeux d’une situation de communication et à choisir les outils qui permettront de produire du discours et de réaliser des tâches complexes de communication – convaincre, expliquer, résumer, décrire, démontrer, réfuter, etc. Le langage est ainsi pour nous éminemment lié à l’apprentissage dans les disciplines des sciences humaines, autant au collégial qu’à l’université.

 

Spécificités

Les préoccupations qui ont trait à l’amélioration de la qualité de la langue des étudiants ne datent pas d’hier et les initiatives entreprises dans ce sens sont déjà nombreuses. Le Réseau Fernand-Dumont entend se tailler une place dans ce paysage déjà chargé en fondant notamment ses actions sur des assises théoriques particulières, sur l’analyse des besoins des enseignants et des principales difficultés des étudiants, sur la volonté de valoriser et de rendre publiques les initiatives locales. Voyons de plus près ces spécificités :

 

Définition de la compétence langagière : l’importance des composantes discursive et communicationnelle

Une recension des écrits a permis d’identifier un certain nombre de dimensions en vue de délimiter les angles théoriques sur lesquels s’appuieraient les orientations du Réseau Fernand-Dumont. La définition qui s’en dégage revêt un caractère dynamique, puisque le principal déterminant des composantes de la compétence, sans oublier les moyens devant être investis et maîtrisés, se situent dans l’action même de communiquer. Le Réseau Fernand-Dumont a opté pour une approche contextuelle de l’utilisation de la langue qui tient compte de la capacité de l’étudiant à comprendre les particularités d’une situation de communication et à sélectionner les ressources pertinentes pour réaliser différents types de discours en fonction de la complexité des tâches de communication lui étant soumises.

 

La définition retenue met l’accent sur l’utilisation de la langue à l’intérieur de cadres élargis et diversifiés qui font référence aux situations d’écriture, de lecture et de communication orale. En considérant le fait que l’acquisition des savoirs disciplinaires est intrinsèquement liée au développement de la compétence langagière, cette dernière doit donc être transposée dans tout contexte de communication et ne peut se limiter au cours de langue. Il s’avère indispensable qu’elle englobe toutes les ressources du langage pour que les étudiants puissent écrire et lire divers genres de productions dans les différentes disciplines de leur parcours académique. En effet, ils sont appelés à actualiser leur compétence langagière dans des champs spécialisés composés d’un métalangage et de modèles normatifs qui ne leur sont pas toujours familiers ou prenant un autre sens dans le langage de tous les jours. En conséquence, le professeur non-spécialiste de la langue se situe en première ligne pour développer la compétence langagière puisqu’elle nécessite une articulation des savoirs et des savoir-faire qui dépend de la situation de communication.

 

C’est dans une préoccupation didactique inscrite dans les apprentissages des étudiants de niveau collégial et universitaire que le Réseau Fernand-Dumont propose une définition de la compétence langagière incluant trois composantes : communicationnelle, discursive et linguistique. Sans vouloir réduire l’importance du volet linguistique, étant davantage associé à un ensemble d’instruments pour soutenir la communication plutôt qu’à l’objectif final de l’apprentissage, ce sont les volets communicationnel et discursif qui retiennent particulièrement l’attention des membres du Réseau. On trouvera dans la section « textes théoriques » un article explicitant ces composantes.


Pourquoi le Réseau Fernand-Dumont?

Objectifs du réseau

L'objectif principal du Réseau Fernand-Dumont est d’aider les enseignants des collèges et de l’Université à développer les compétences langagières de leurs étudiants dans les programmes de sciences humaines. On comprend alors que l’action du RFD est tournée en priorité vers les enseignants avec, en fin de compte, le souci d’« assurer une plus grande maîtrise de la langue et de la communication chez les étudiants en sciences humaines ».

 

Pour atteindre cet objectif, les membres du RFD considèrent comme essentiel le développement d’une culture de la qualité de la langue et de la communication, tendance d’ailleurs également à l’œuvre sur la scène internationale. Une telle culture vise à développer chez les enseignants de sciences humaines un sentiment de responsabilité vis-à-vis de la langue permettant, d’une part, de favoriser des changements significatifs dans les pratiques pédagogiques de manière à avoir un impact réel sur les apprentissages langagiers et intellectuels des étudiants et, d’autre part, de les encourager à inculquer aux étudiants

l'importance d'une langue de qualité et d'une pensée claire et bien structurée.

 

La prise en charge concrète de ces objectifs nécessite de mettre à la disposition des enseignants une plate-forme WEB, des rencontres pédagogiques et didactiques et toutes formes d’activités (journées pédagogiques, formations diverses, conférences, etc.) susceptibles d’aider les enseignants à insérer dans l’enveloppe didactique de leur cours avec un surplus minimum de travail des moyens de prendre en charge la maîtrise de la langue. Enfin, cette vision transdisciplinaire du développement de la compétence langagière passe par l’établissement d’une synergie entre les institutions de façon à favoriser la continuité dans le développement de la compétence langagière des étudiants, du collège à l’université, notamment en développant un profil de compétence langagière progressif de l’entrée du cégep à la sortie du premier cycle universitaire.

 

Ces objectifs somme toute assez généraux se sont vus par la suite précisés dans un plan de travail plus élaboré qui exprime la volonté commune aux trois établissements de faire de la maîtrise et du développement de la compétence langagière le pivot indispensable d’une formation humaniste comme éducation à la liberté. En voici les grandes lignes :

 

La problématique

Répertorier les principales difficultés des étudiants en sciences humaines sur le plan langagier. Répertorier les principales difficultés des enseignants de sciences humaines en ce qui concerne le développement et l’évaluation de la compétence langagière.

Recenser les priorités institutionnelles par rapport à la maîtrise du français dans les trois établissements impliqués dans le réseau.

 

Le cadre de référence

Élaborer une définition univoque et opérationnelle de la compétence langagière.

Élaborer un profil de compétence langagière progressif de l’entrée du cégep à la sortie du premier cycle universitaire. Décrire la réalité des différents programmes de sciences humaines et connaître ce que les disciplines qui les composent exigent sur le plan langagier.

 

L'élaboration des outils

Répertorier les ressources existantes et élaborer de nouveaux outils qui favorisent le développement et l’évaluation de la compétence langagière.

 

L'animation du milieu

Favoriser une prise en charge concrète et efficiente du développement de la compétence langagière par les enseignants et les professeurs des sciences humaines.

 


Qui sont les collaborateurs et les responsables du Réseau?

Le MELS représente l’organe de financement du réseau. Il a délégué la responsabilité du projet à la DGPC de l’Université Laval. Dotée de plusieurs spécialistes de la langue française et d’un centre de développement de la compétence langagière, la faculté des sciences de l’éducation a été désignée par la DGPC comme premier garant du dossier au niveau universitaire. Au niveau collégial, le Cégep Sainte-Foy et le Cégep Garneau représentent les deux autres partenaires impliqués dans ce projet interordres.

 

Forment le comité directeur Mme Marielle Pratte (directrice adjointe des études, Cégep Garneau), M. Denis Simard (vice-doyen aux études de premier cycle, Faculté des sciences de l’éducation), M. Jacques Léveillé (directeur adjoint des études, Cégep de Sainte-Foy) et M. Érick Falardeau (professeur titulaire, Département d'études sur l’enseignement et l’apprentissage, Faculté des sciences de l’éducation).

 

Enfin, un groupe de travail géré par un coordonnateur a été mis en place dans chaque institution. Composées de divers intervenants en sciences humaines, ces équipes œuvrent au sein de leurs établissements et se réunissent ponctuellement pour assurer le travail d’arrimage et une plus grande cohérence dans leurs actions. En tout, près d’une vingtaine de personnes collaborent actuellement à la réalisation du projet du Réseau Fernand-Dumont.


Subventions

Le Réseau Fernand-Dumont a été mis sur pied dans le cadre du « Programme de collaboration universités!collèges » du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). Il bénéficie d’un financement de trois ans (2009-2012) qui permet notamment de libérer des professeurs de ses trois composantes (Université Laval, Cégep de Sainte-Foy et Cégep Garneau), d’embaucher des professionnels qui travaillent à la mise en œuvre de ses activités et d’élaborer un site Internet où sont diffusés les outils créés par ses membres.

 

 [2] Des professeurs de trois facultés sont concernés à l’Université Laval : sciences de l’éducation, sciences sociales et lettres. Dans les cégeps, plusieurs départements sont également représentés.


Fernand Dumont



« Depuis que les hommes parlent, depuis qu’ils écrivent, ils ont voulu ramener le mutisme de l’univers et leurs sauvages intentions intimes à des horizons repérés et à des angoisses fondées. »

(Le lieu de l’homme, Montréal : Fides, 1968, p. 9)

 

Fort d’un parcours d’une quarantaine d’années au département de sociologie de l’Université Laval, Fernand Dumont est l’un des plus grands intellectuels du vingtième siècle québécois. Par-delà la rigidité des cadres disciplinaires, Fernand Dumont a construit une véritable anthropologie philosophique, s’interrogeant sur la nature et le destin de la condition humaine. Il a fait cela en accordant une importance primordiale à la culture et à la langue, lesquelles sont justement pour lui des maisons habitées par l’être humain et sa conscience, dans des registres où la profondeur des doutes et des angoisses n’enlève rien à notre entière responsabilité de faire face aux problèmes du monde moderne et à ceux de notre société. La qualité et la richesse de l’expression linguistique auront beaucoup marqué l’œuvre de Dumont, vouée aux différents genres de l’écriture des sciences humaines et sociales, mais aussi capable d’envolées poétiques, de « l’Ange du matin » à « Parler de septembre ». Dumont a travaillé dans une perspective théorique et universaliste dans ses recherches sur la culture, l’épistémologie des sciences humaines et la précarité de l’institution philosophique. Il a aussi combiné théorie et pratique dans l’étude de la société québécoise en proposant une histoire de la conscience historique au Québec dans saGenèse de la société québécoise (Montréal : Boréal, 1993), en fondant des revues (Recherches sociographiques, revue fondée en 1960 avec son grand ami Yves Martin, consacrée à l’étude « au ras du sol » de la société québécoise) et en mettant l’épaule à la roue de plusieurs projets et commissions d’étude, sur la place de l’Église catholique au Québec, sur le développement culturel et sur la promotion de la langue française.

 

Fernand Dumont a aussi été un intellectuel triplement engagé : humaniste chrétien, il a beaucoup médité à propos de sa foi et du rôle de l’Église; homme de gauche, il a rêvé d’une société plus juste et d’une démocratie plus participative; souverainiste militant ouvert au dialogue, il a voulu que la Révolution tranquille débouche sur un avenir politique plus libre pour le Québec.

 

Pour aller plus loin :

Dumont, Fernand, Récit d’une émigration, Montréal : Boréal, 1997.

Langlois, Simon et Yves Martin (dir.), L’horizon de la culture : hommage à Fernand Dumont, Québec : Presses de l’Université Laval, 1995; Recherches sociographiques, numéro consacré à Fernand Dumont, volume 42, numéro 2, 2001.