« Depuis que les hommes parlent, depuis qu’ils écrivent, ils ont voulu ramener le mutisme de l’univers et leurs sauvages intentions intimes à des horizons repérés et à des angoisses fondées. »

(Le lieu de l’homme, Montréal : Fides, 1968, p. 9)



Fort d’un parcours d’une quarantaine d’années au département de sociologie de l’Université Laval, Fernand Dumont est l’un des plus grands intellectuels du vingtième siècle québécois.  Par-delà la rigidité des cadres disciplinaires, Fernand Dumont a construit une véritable anthropologie philosophique, s’interrogeant sur la nature et le destin de la condition humaine.  Il a fait cela en accordant une importance primordiale à la culture et à la langue, lesquelles sont justement pour lui des maisons habitées par l’être humain et sa conscience, dans des registres où la profondeur des doutes et des angoisses n’enlève rien à notre entière responsabilité de faire face aux problèmes du monde moderne et à ceux de notre société.  La qualité et la richesse de l’expression linguistique auront beaucoup marqué l’œuvre de Dumont, vouée aux différents genres de l’écriture des sciences humaines et sociales, mais aussi capable d’envolées poétiques, de « l’Ange du matin » à « Parler de septembre ».  Dumont a travaillé dans une perspective théorique et universaliste dans ses recherches sur la culture, l’épistémologie des sciences humaines et la précarité de l’institution philosophique.  Il a aussi combiné théorie et pratique dans l’étude de la société québécoise en proposant une histoire de la conscience historique au Québec dans sa Genèse de la société québécoise (Montréal : Boréal, 1993), en fondant des revues (Recherches sociographiques, revue fondée en 1960 avec son grand ami Yves Martin, consacrée à l’étude « au ras du sol » de la société québécoise)  et en mettant l’épaule à la roue de plusieurs projets et commissions d’étude, sur la place de l’Église catholique au Québec, sur le développement culturel et sur la promotion de la langue française.

 

Fernand Dumont a aussi été un intellectuel triplement engagé : humaniste chrétien, il a beaucoup médité à propos de sa foi et du rôle de l’Église; homme de gauche, il a rêvé d’une société plus juste et d’une démocratie plus participative; souverainiste militant ouvert au dialogue, il a voulu que la Révolution tranquille débouche sur un avenir politique plus libre pour le Québec.

 

Pour aller plus loin, trois sources : Dumont, Fernand, Récit d’une émigration, Montréal : Boréal, 1997; Langlois, Simon et Yves Martin (dir.), L’horizon de la culture : hommage à Fernand Dumont, Québec : Presses de l’Université Laval, 1995; Recherches sociographiques, numéro consacré à Fernand Dumont, volume 42, numéro 2, 2001.