De l’importance d’enseigner les genres
La presse écrite comporte des catégories rédactionnelles que les manuels de journalisme détaillent avec plus ou moins de convergence et que les journaux et magazines signalent parfois explicitement : éditorial, dépêche, reportage, commentaire, analyse, courrier des lecteurs, revue de presse, etc. Ce sont les genres journalistiques. Il importe de former les étudiants à lire et à écrire des textes en tenant compte de leurs catégories génériques. L'apprentissage des genres textuels ne relève pas seulement d'une approche linguistique, mais de la compréhension de leur construction sociohistorique. Comme le rappelle J.M. Adam, « la dimension générique des faits de discours rattache chaque texte à une formation sociodiscursive, ici des organes de presse, c'est-à-dire des institutions » (Adam, 2007, p.1). De plus, le fait d'identifier des textes comme appartenant à des genres est inséparable du développement des habiletés des étudiants pour produire et lire ces textes. En continuité avec les thèses de Bakhtine, J.M. Adam affirme que : « L'hypothèse d'un apprentissage conjoint des genres et de la langue par les sujets parlants se double [...] d'une hypothèse sur le caractère pragmatiquement nécessaire des genres : la catégorisation générique même vague d'un objet discursif en permet la production autant qu'elle en guide la lecture »(Adam, 2007, p.1). C’est dire si la connaissance des caractéristiques des genres textuels facilite leur production et leur lecture par les étudiants.
Le genre de l’éditorial
Cette activité est centrée sur le genre spécifique de l'éditorial. Parmi les genres de la presse écrite, l'éditorial, traditionnellement associé au pôle du commentaire, a suscité un certain intérêt. Il est sans doute l’une des spécificités les plus marquantes et les plus visibles de la presse écrite. (Herman et Jufer, 2007, p.1).
« De manière évidente, l'éditorial est, pour tous, le parangon même des genres de l'opinion. Il s'agit d'un article, affirme MartinLagardette, prenant position sur un fait d'actualité et engageant la responsabilité morale du journal [...]. C'est l'article d'opinion par excellence » (1994 : 82). Au premier rang des articles d'opinion, l'éditorial, et par là même l'éditorialiste, jouit d'une position prestigieuse au sein de la rédaction. Au-delà des qualités dites littéraires de son écriture, le prestige de l'éditorialiste est lié à sa responsabilité : l'éditorial engage classiquement toute la rédaction, au point que la signature de l'éditorialiste peut ne pas être nécessaire. Enfin, l'éditorial semble combiner de fait une exigence de visibilité (place importante, en vue) et d'unicité » (Herman, Jufer, 2007, p.2).
En résumé, le genre de l'éditorial est complexe, car traversé par plusieurs tensions :
- une tension entre le rappel des faits et l’expression d’une opinion (une interprétation de ces faits);
- une tension entre l'argumentation et la séduction (entre une visée démonstrative ou une visée appellative, selon P. Charaudeau) dans la présentation de cette opinion;
- une tension entre la subjectivité du point de vue de l'éditorialiste et la cohérence de la ligne éditoriale du journal.
Ainsi, lorsqu'il s'agit de travailler à partir du genre de l'éditorial, il importe de soulever des questions telles que : S'agit-il de l'opinion du journal ou de celle du journaliste? Quel est et comment se présente l'énonciateur de l'éditorial? L'éditorial sert-il de « vitrine idéologique »? De quelle idéologie s'agit-il?
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter les travaux du Centre de Recherches en Linguistique Textuelle et Analyse des Discours de l'Université de Lausanne :
Jean-Michel Adam, « Genres de la presse écrite et analyse de discours », Semen [en ligne], 13 | 2001, mis en ligne le 30 avril 2007, consulté le 10 octobre 2011.
URL : http://semen.revues.org/2597.
Thierry Herman et Nicole Jufer, « L'éditorial, « vitrine idéologique du journal »? », Semen [en ligne], 13 | 2001, mis en ligne le 21 mai 2007, consulté le 10 octobre 2011. URL : http://semen.revues.org/2610